Dès 2010, le législateur a voulu ouvrir le marché de l’assurance emprunteur à la concurrence, en mettant fin au lien indéfectible qui existait entre crédit immobilier et assurance emprunteur souscrite auprès de l’établissement prêteur. L’appréciation de l’équivalence de garantie, non explicitée dans les lois Lagarde et Hamon, a longtemps débouché sur des pratiques diverses, contestables et d’ailleurs contestées. Etat des lieux et perspectives sur un sujet toujours complexe et souvent conflictuel. Au point de faire l’objet ce 18 avril 2017 d’un troisième avis du Comité consultatif du secteur financier (CCSF).
En ouvrant le marché de l’assurance emprunteur, la Ministre Christine Lagarde n’imaginait sans doute pas l’ampleur des rigidités qui allaient se dresser sur le chemin des emprunteurs désireux d’exercer leurs nouveaux droits. C’est ainsi que les premiers textes sur la déliaison prévoient que l’établissement prêteur est tenu d’accepter un contrat externe en garantie du crédit octroyé sous réserve que le contrat souscrit en dehors de l’établissement prêteur présente un niveau de garantie équivalent. Le cadre est posé.
La loi suppose donc que le recours à un contrat d’assurance externe ne peut être refusé que si le niveau de garantie n’est pas équivalent à celui proposé par le prêteur. Parmi les effets secondaires indésirables, à niveau de garantie équivalent, les emprunteurs récalcitrants désireux de recourir à un contrat alternatif se sont souvent vus dans un premier temps opposer des taux d’intérêts et frais de dossier majorés, ou toutes mesures d’intimidation pouvant aller jusqu’au refus pur et simple du crédit. Pire, l’équivalence de garantie était parfois refusée pour des motifs très spécieux.
Il est vrai que solliciter un crédit immobilier n’est pas un acte anodin pour le consommateur. La banque n’est pas tenue d’accorder le crédit sollicité, même si la solvabilité de l’emprunteur est assurée, car il n’existe pas de droit au crédit dans notre pays. De ce constat naît un autre constat, celui d’une relation déséquilibrée, voire de dépendance entre la banque et le candidat à l’emprunt dans la phase préalable à la formalisation du contrat de prêt. Potentiellement, ce rapport de force à l’avantage des établissements de crédit place le candidat à l’emprunt en position de vulnérabilité, de faiblesse. Pas de quoi favoriser la déliaison à outrance…
La déliaison en souffrance accouche de la loi Hamon
Face aux pratiques dilatoires des banques, la loi consommation de Benoît Hamon réagit et ouvre un un droit à substitution. La nouvelle législation qui se superpose à la précédente dès 2014 prévoit ainsi que l’emprunteur dispose d’un délai de 12 mois après la signature du contrat de prêt, pendant lequel il peut, à tout moment, proposer en garantie un contrat externe affichant des garanties équivalentes. Cette faculté est ensuite permise chaque année à la date anniversaire du contrat. L’établissement prêteur est ainsi tenu de substituer le nouveau contrat sans frais. Au-delà de cette faculté, la loi Hamon permettait en principe bien de résilier le contrat d’assurance emprunteur chaque année. La disposition est ainsi restée très théorique, la Cour de cassation ayant considéré dans un arrêt du 9 mars 2016 que la « loi spéciale », celle autorisant la substitution la première année à tout moment, neutralisait les effets de la « loi générale » permettant toute possibilité de résiliation ultérieure à la date anniversaire chaque année. C’était sans compter sur l’entrée en résistance de plusieurs Cours d’appel et de la majorité des parlementaires…
Au-delà de ces considérations, l’équivalence de garantie continuait alors à poser des difficultés d’appréciation, et non des moindres…
Le CCSF appelé à la rescousse
Dès 2014, le Ministre Michel Sapin prend le parti de mettre les points sur les « i » et demande au Comité consultatif du secteur financier (CCSF), qui s’était déjà exprimé dans un avis en mars 2012, de mettre en œuvre une méthode de place pour apprécier de façon uniforme l’équivalence de garantie. Ce qui est chose faite en janvier 2015 sous l’égide du président Emmanuel Constans. L’instance de concertation de la Finance fige alors dans le marbre une liste de critères de place unanimement acceptés. Les établissements prêteurs s’engagent à ne fonder l’appréciation de l’équivalence de garantie que sur une liste commune de 11 critères au plus (à choisir sur une liste préétablie), plus quatre critères supplémentaires si la garantie perte d’emploi est requise.
Entre temps, les parlementaires coriaces, pas découragés par une mesure de censure du Conseil constitutionnel prononcée fin 2016, ont réintroduit début 2017 dans la loi une disposition permettant la substitution à chaque date anniversaire, pour les contrats de prêt nouvellement émis à compter du 1er mars 2017, applicable au 1er janvier 2018 pour le stock des contrats en cours d’exécution.
Sur le volet de l’équivalence du niveau de garantie, l’entrée en vigueur des critères de place n’aura pourtant pas permis de gommer tous les freins persistants. Un nouvel avis du CCSF adopté ce 18 avril 2017 vient repréciser un certain nombre d’éléments essentiels pour une bonne mise en œuvre du dispositif, au bénéfice des consommateurs, donc de l’intérêt général.
Près de sept ans après le premier texte législatif et après un empilement réglementaire hors-du-commun, le sujet n’est donc pas totalement clos. Pour s’en convaincre, l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution a annoncé fin 2016 travailler à la formalisation d’une recommandation… à des fins de contrôle. A bon entendeur !
Bonjour et merci pour cet article.
En effet, le CCSF (Comité Consultatif du Secteur Financier) a défini une grille de 18 critères afin de faciliter la comparaison entre plusieurs contrats.