Frais de tenue de compte
La CGT des banques et des assurances savait le patronat bancaire débordant d’imagination, dès lors qu’il y a matière à trouver des leviers de rentabilité à court terme pour satisfaire l’appétit vorace du capital. Souvent au détriment des salariés d’ailleurs, à grands renforts de réductions d’effectifs dans les réseaux. Alors que le marketing relationnel semble s’installer partout de manière durable dans les établissements teneurs de comptes, et à l’heure où l’on parle joliment de « centricité client » ou encore de « projet préférence client », les clients, à qui l’on sert volontiers le café dans les agences, ne sont en réalité pas plus épargnés que les salariés.
Contradictions entre le discours de façade orienté client et la politique tarifaire
Nous assistons actuellement à un mouvement de généralisation de la facturation des frais de tenue de compte.
Après le Crédit Mutuel début octobre (24 euros par an), c’est au tour de BNP Paribas et Société Générale de s’engouffrer dans la brèche. Leurs clients ont été informés d’une entrée en vigueur de ces frais à compter du 1er janvier 2016 : 24 euros par an pour la SG, 30 euros par an pour BNPP. Au global, ces frais pourraient rapporter plus d’un milliard d’euros aux banques, selon les estimations réalisées par des associations de consommateurs.
Ces frais sont-ils justifiés ?
En période de crise, alors que la plupart des banques affichent des bénéfices insolents, la nécessité économique de ces nouveaux frais ne tient pas.
A trop vouloir justifier, on ne justifie plus rien ! Pour faire néanmoins passer la pilule, la banque de la rue d’Antin indique notamment à ses clients que « ces frais correspondent à la comptabilisation et à la sécurisation des opérations. C’est-à-dire la surveillance quotidienne des comptes et la protection des données personnelles ».
Faut-il comprendre que cela n’était pas le cas jusqu’à présent, qu’il n’y avait aucune sécurisation et protection des données ? Ne nous y trompons pas, il s’agit en réalité bien de frais additionnels, sans le plaisir d’un service supplémentaire, en contrepartie.
Dès lors, les clients ont la possibilité de se faire entendre. Ils ont deux mois à compter de la notification par l’établissement pour indiquer par lettre recommandée avec accusé de réception* qu’ils n’acceptent pas cette modification, sans assurance toutefois que leur demande soit entendue (*lettre type ci-dessous). L’article L312-1-1 du code monétaire et financier dispose en effet que « tout projet de modification de la convention de compte de dépôt est communiqué […] au plus tard deux mois avant la date d’application envisagée. […] L’établissement de crédit informe le client qu’il est réputé avoir accepté la modification s’il ne lui a pas notifié, avant la date d’entrée en vigueur proposée de cette modification, qu’il ne l’acceptait pas… ».
Et les salariés dans tout ça ?
A priori, nous pourrions penser que le personnel des banques n’est pas concerné. Pourtant, force est de constater que cette novation tarifaire, au-delà du mécontentement des clients qui va nécessairement ressurgir sur les salariés qui sont en première ligne et impacter leurs conditions de travail, est volontairement mise en œuvre pour favoriser des transferts massifs de la clientèle depuis les réseaux physiques des agences en direction de la banque en ligne qui ne facture pas de frais de tenue de compte (pour l’instant). Une baisse du nombre de clients dans les réseaux pouvant ensuite justifier de nouvelles réductions d’effectifs, et accentuer encore davantage le retrait des établissements bancaires de certains territoires et le renoncement tacite au financement de pans entiers de l’économie de notre hexagone.
Vers un nouveau modèle bancaire.
Un autre aspect apparaît en filigrane. La gratuité de la tenue du compte était vécue par les clients comme une juste contrepartie à la non-rémunération des dépôts à vue, sur lesquels les banques s’auto-indemnisent largement, au regard notamment de la ressource bon marché que ce matelas de dépôts représente face aux encours de crédits immobiliers.
Le modèle bancaire actuel est fondé sur le principe de la subvention croisée. Les ménages français ont un taux d’équipement en produits et services bancaires supérieur à la moyenne européenne : la multi-détention générait jusqu’à présent une rentabilité du client qui s’appréciait au niveau global de la relation, avec compensation entre les différents produits et services détenus.
Avec le nouveau modèle bancaire vers lequel les établissements semblent vouloir s’orienter et converger, cela devrait conduire à mesurer la rentabilité produit par produit. Avec tous les risques et toutes les conséquences que cela suppose pour le consommateur déposant…
Après l’affaire Kerviel dont le jugement démontre l’indépendance de la justice, difficile de croire que des milliers de pétitions feront plier ou rendront la raison à nos chers banquiers qui s’en mettent déjà plein les fouilles et manipulent nos dirigeants. Pensez-vous qu’une lettre type comme celle affichée ci-dessus puisse faire sourciller les membres du conseil d’administration de la Société Générale ou des autres banques d’ailleurs. Je pense plutôt que cela doit les amuser.
De toute manière, ce type de courrier à cette heure serait-il encore d’une quelconque efficacité?.
Créer des banques mutualistes et mettre hors circuit les banques d’état serait peut-être la meilleure solution pour forcer nos dirigeants à retrouver la raison.