Professionnellement dérangeante donc mentalement dérangée ?

11 avril 2018
Justice pour la Docteure Karine Djemil, condamnée pour avoir protégé deux salariées victimes de harcèlement sexuel !

Les employeurs mis en cause ont porté plainte auprès de l’Ordre des médecins pour la faire condamner sur un motif de procédure dont ses collègues s’accordent à dire qu’il n’est pas recevable, ou qu’il aurait au moins mérité d’être examiné de façon juste et équitable.

La peine d’interdiction d’exercice de 6 mois qui lui a été infligée, inédite et particulièrement lourde, se double d’une décision d’imposer à la Docteure Karine Djemil une expertise psychiatrique au prétexte qu’elle aurait « interprété des faits et des attitudes anodins en leur prêtant une connotation sexuelle assez délirante » ! C’est bien plutôt la façon dont les employeurs peuvent obtenir que les plaintes de salariées pour harcèlement sexuel soient ainsi expédiées comme relevant a priori de l’affabulation qui est délirante. Délirante aussi la précipitation avec laquelle une juridiction d’exception remet en question le professionnalisme d’une femme médecin. Délirante encore la composition très majoritairement masculine de ces juridictions alors que la profession compte aujourd’hui 40 % de femmes et que l’Ordre des médecins a été mis en demeure par l’Etat de respecter la parité.

Cette affaire aurait pu rester confinée dans l’enfer du sexisme institutionnel ce qui est fréquent dans les institutions de l’ordre des médecins (voir les poursuites contre les médecins violeurs par exemple). Malheureusement pour cette institution, les plaintes concernant le Dr DJEMIL ont été rattrapées par le surgissement, dans le monde entier, des luttes contre le harcèlement sexuel et notamment celui des femmes au travail.

Psychiatriser des femmes qui « dérangent », remettre en doute la parole de celles qui dénoncent des faits de violences dont elles ont été victimes ou témoins, nier à leurs allié·e·s la possibilité de se tenir à leurs côtés pour que justice soit faite, le procédé est connu. Il s’inscrit dans un processus de remise en cause de la médecine du travail par le patronat et témoigne de la puissance des résistances à l’œuvre pour freiner l’avènement d’une société plus égalitaire entre les femmes et les hommes.

À travers les décisions de l’instance disciplinaire c’est la question essentielle de la valeur de la parole des femmes, qu’elles soient médecins ou patientes, qui se pose ici. Le Dr Djemil est convoquée le 11 avril à 9h15, devant l’instance disciplinaire de l’ordre des médecins. Nous lui apportons tout notre soutien et dénonçons deux forfaitures :

La négation de la parole des femmes, les faits de harcèlement sexuel dénoncés par le Dr Djemil ayant été qualifiés « d’affabulation » en instance disciplinaire régionale.
La possibilité ouverte depuis 2007 pour les employeurs de porter plainte contre des médecins du travail devant l’ordre des médecins, et de remettre ainsi en cause leur capacité à faire le lien entre une pathologie et l’organisation du travail, lien pourtant au cœur du professionnalisme des médecins du travail.

Communiqué de presse Ugict-CGT
À Montreuil, le 11 avril 2018

 

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