Le télétravail n’est pas une solution miracle !

27 mars 2020

Dans le cadre du confinement et de la crise du Coronavirus, la CGT Ingés Cadres Techs fait le point sur vos droits en matière de télétravail et lance le site GuideTeletravail.fr en appui de son guide : Négocier le télétravail car le télétravail ne s’improvise pas.

1- L’usage du télétravail en situation de crise sanitaire : pourquoi, et quelles activités ?

Dans le secteur privé et dans la fonction publique, le gouvernement souhaite maintenir en situation de travail le maximum de travailleuses et de travailleurs pour soutenir l’activité économique.

Dans le cadre du PCA (Plan de Continuité d’Activité), de trop nombreuses entreprises du secteur privé relaient cette orientation très dangereuse en situation de pandémie.

Le 16 mars, le secrétaire d’Etat Olivier Dussopt a indiqué que sur l’organisation des services publics face à l’épidémie de Covid-19, le télétravail “devient une règle impérative”.

La CGT a déjà indiqué que la santé de la population doit être la seule boussole dans la crise sanitaire que nous traversons.

Pour la CGT et son UGICT seules les activités essentielles doivent être maintenues, sans pour cela que les travailleuses et les travailleurs n’aient à être exposé.es au risque sanitaire avéré.

A cet égard, le télétravail et ses diverses formes d’activités à distance qu’il permet peut représenter une solution, sous certaines conditions, pour aider à la mobilisation nationale afin de dépasser la crise sanitaire.

Mais ces formes d’activités à distance ne sont pas toutes nécessaires et peuvent même s’avérer contre productives face à la pandémie.

Car, chaque activité à distance contribue à saturer le réseau télécoms qui a déjà de plus en plus de mal à absorber les flux liés aux demandes qui ne cessent de s’accroître. La priorité doit être réservée aux seules activités à distance qui participent à la lutte contre la pandémie.

 

2 – Télétravail en situation d’épidémie : que dit la règlementation ?

Pour le gouvernement, le télétravail est la solution à privilégier lorsque cela est possible(Q/R 11 et 12). Il est ainsi conseillé à l’employeur d’organiser la mise en place du télétravail lorsque cela est possible, pendant les 14 jours suivant le retour d’un salarié d’une zone à risque ou ayant été en contact avec une personne infectée. Les entreprises dotées d’un accord collectif ou d’une charte sur le télétravail pourront s’appuyer dessus pour adapter leur organisation.

Le salarié doit en principe donner son accord. Mais il existe une exception prévue à l’art. L. 1211-11 du Code du travail qui permet de se passer de cet accord en cas de risque épidémique. En l’occurrence, le ministère estime que le risque d’épidémie lié au coronavirus est un motif légitime d’imposer le télétravail (Q/R 11 et 12). Donc, dans ce contexte le salarié ne peut pas refuser d’effectuer du télétravail.

Le gouvernement incite donc à s’appuyer sur l’article L1222-11 du code du travail pour prioriser le maintien de l’activité économique via le télétravail.

« Article L1222-11

En cas de circonstances exceptionnelles, notamment de menace d’épidémie, ou en cas de force majeure, la mise en œuvre du télétravail peut être considérée comme un aménagement du poste de travail rendu nécessaire pour permettre la continuité de l’activité de l’entreprise et garantir la protection des salariés. »

Dans la fonction publique le télétravail (Loi du 12 mars 2012, et décret du 11 février 2016 pour la fonction publique ) a la même définition que dans le Code du travail et s’organise sensiblement de la même façon que dans le secteur privé. Ce sont des arrêtés et des décisions, propres à chaque administration, qui encadrent sa mise en œuvre.

Pour l’Ugict-CGT ce qui relève du « business » doit s’effacer devant l’intérêt général et sanitaire, et ne doit pas être un prétexte pour imposer une forme de télétravail à domicile, chez le client ou dans des plateformes. Les employeurs doivent participer à l’effort national de lutte contre la pandémie qui concerne tout le monde. Ils n’ont pas à s’exonérer de leurs responsabilités ni vis-à-vis des travailleuses et travailleurs, ni vis-à-vis de la société.

 

3 – Le télétravail comment et qui ?

Il nécessite de repenser l’organisation du travail en conséquence. Lorsqu’il n’existe pas d’encadrement négocié propre à l’entreprise ou au service public concerné, sa mise en place va relever plus du bricolage que d’une réelle mise en situation opérationnelle des différents membres du collectif de travail. Dans son guide, l’UGICT-CGT a identifié 13 sujets à traiter dans le cadre de la mise en œuvre du télétravail.

 

Même pour un métier éligible au télétravail, à défaut d’encadrement existant et de personnel l’ayant déjà pratiqué, il ne sera pas facile d’improviser le télétravail.

Voici quelques raisons, parmi d’autres :

  • la conformité aux normes électriques et de sécurité du lieu où s’exerce le télétravail
  • la mise à disposition par l’employeur du matériel nécessaire à l’activité
  • les conditions d’accès à internet haut débit, et la sécurisation des connexions et des données qui transitent
  • l’existence ou pas d’un espace (ou bureau) dédié au télétravail pour pouvoir se concentrer.
  • garder un enfant en situation de télétravail n’est pas souhaitable, rend quasiment impossible le travail, et peut même être dangereux (surtout en situation d’improvisation).
  • l’absence de formation au télétravail
  • se pose aussi la question des frais supplémentaires liés à l’activité si elle a lieu à domicile (électricité, prime d’assurance, consommables, etc.)

 

Quelle responsabilité du salarié victime d’un piratage en télétravail improvisé ou bricolé ?

Les attaques contre les particuliers et les entreprises, notamment par rançongiciel, sont en augmentation exponentielle (rapport annuel de l’ANSSI) et les possibilités d’intrusion sur un réseau domestique sont légion, à commencer par la faible sécurité des objets connectés, de plus en plus nombreux chez les particuliers car encouragés par l’économie des données.

Le télétravail est pratiqué entre 1 et 2 jours par semaine par les travailleuses et les travailleurs qui sont identifié.es comme tel. Il ne constitue donc pas, même dans ce cas, la solution miracle pour maintenir une activité dans la durée. Improviser le télétravail pour tenter de maintenir l’activité coûte que coûte est inefficace, et risque de générer du sur-travail et de confronter le personnel à des conditions de vie et de travail générant stress et durée excessive de travail. Cette forme d’activité ne doit pas être imposée. Toutes les formes de travail à distance doivent faire l’objet d’un volontariat et être accompagnée d’une formation à la prise de poste. Il sera temps de tirer les enseignements, à l’issue de la crise, sur le défaut d’encadrement de cette forme de travail en France.

 

4 – La continuité de l’activité via le télétravail doit s’effacer devant la notion d’aidant familial

Les crèches et établissements scolaires sont fermés, les enfants sont donc à la maison.

Ceux en très bas âge nécessitent, évidemment, une attention quasi continue incompatible avec le télétravail.

Ceux scolarisés sont nombreux à se retrouver en autonomie totale et en isolement : les politiques successives du ministère de l’éducation nationale ont créé une très grande diversité dans les moyens et les compétences sur le numérique des établissements, et donc une grande disparité des possibilités pour chaque élève de continuer à suivre les cours et bénéficier de la pédagogie de ses professeurs. De très nombreux établissements passent soit par des systèmes privés qui contribuent à l’économie des données, soit par des systèmes qui ont du mal à encaisser la montée en charge et se retrouvent à faire appel aux sociétés privées de l’économie des données.

Dans tous les cas, ces enfants nécessitent malgré tout un suivi régulier et une attention soutenue de la part des parents, rarement compatibles avec le télétravail.

Les entreprises dont l’activité n’est pas essentielle à la lutte contre la pandémie, doivent laisser la priorité au parent sur le salarié et, pour celles dont les finances ne sont pas menacées, ne pas céder à la tentation du chômage partiel, mais donner un congé exceptionnel couvrant la période du confinement et neutraliser cette période dans l’évaluation du salarié.

Le lien social doit également être assuré avec nos ainés, sans les mettre en danger, pour leur permettre de traverser la crise sanitaire. Des facilités de service doivent être accordées pour libérer du temps aux travailleuses et aux travailleurs qui sont dans cette situation.

 

5 – Interdiction d’accès à l’entreprise ou à l’administration (cas sans possibilité de télétravail)

Lorsqu’un salarié présente un risque particulier de contagion, si l’employeur ne peut pas adapter son poste en vue de limiter les contacts et si le télétravail n’est pas compatible avec l’activité, l’employeur peut demander au salarié de rester à son domicile (Q/R 14). Dans ce cas, s’il n’y a pas d’arrêt de travail en bonne et due forme, le contrat de travail n’est pas suspendu et le maintien de la rémunération par l’employeur s’impose.

Le salarié peut prendre contact avec l’ARS, afin qu’un médecin habilité lui établisse, le cas échéant, un arrêt de travail pour la durée d’isolement préconisée. Le salarié bénéficiera alors des IJSS, ce qui diminuera la prise en charge financière de l’employeur. Attention, si le salarié ne bénéficie pas d’un maintien de salaire de l’employeur en complément des IJSS (se reporter à la convention collective ou à l’accord d’entreprise) il n’a pas intérêt à solliciter le bénéfice de ces IJSS.

Dans la fonction publique, le secrétaire d’Etat indique qu’ « En cas d’impossibilité de télétravailler, l’agent est placé par son employeur en autorisation spéciale d’absence (ASA). Seuls les agents publics participant aux plans de continuité de l’activité en présentiel, se rendent effectivement sur leur lieu de travail. » (source)

Afin de garantir l’effectivité, au plus près du terrain, des dispositions visant à prévaloir la prévention et la protection des équipes de travail, l’Ugict-CGT revendique pour l’encadrement de proximité un droit l’alerte suspensif pour stopper la mise en œuvre d’une directive ou d’une consigne risquant d’exposer ses équipes de travail au risque sanitaire.

 

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