La CGT dénonce depuis longtemps les méthodes managériales déployées à la MACIF. Elle fut la première à alerter l’employeur sur les Risques Psycho-sociaux engendrés par la pression commerciale, la mise en compétition, l’infantilisation ou encore les organisations toxiques subies par les salariés. Malgré le rapport Sextant qui, il y a un an tout juste, levait le voile sur l’état de santé des salariés et sur les signaux forts de stress détectés lors de son enquête (45 % des salariés se disaient vidés émotionnellement à cause de leur travail, le vide émotionnel est l’un des symptômes du burn-out), La direction, persiste à nier tout lien entre ses choix d’organisation et de méthode managériale et la souffrance au travail à la MACIF.
Depuis un an, les choses semblent encore s’aggraver. En effet, beaucoup de salariés témoignent de cette souffrance. Le taux d’absentéisme, quant à lui, ne cesse d’augmenter (+ 12 % cadres et les employés compris entre 2017 et 2018) confortant ainsi l’analyse que nous faisons de la situation.
Il y a quelques semaines, la CGT tombait sur des documents émanant du pôle performance qui ne laissent aucun doute sur le fait que l’employeur est parfaitement conscient de ce qui se passe et même qu’il l’organise. Que l’on parle de méthodes managériales délétères, de turn-over ou encore de la répression anti syndicale, cela semble faire l’objet d’échanges sans tabou dans les hautes sphères. La CGT ne peut faire autrement que d’en parler, car cela nous concerne tous.
Que sont ces documents ? Ce sont des comptes rendus d’échanges téléphoniques et de rencontres entre des RC et un responsable du pôle performance groupe. On y parle des managers de terrain et de leurs équipes …On y apprend– entre autres- que les premiers ne sont décidément pas mieux considérés que les seconds !
Sur la méthode de management, l’un des intervenants explique ceci :
« Culture de la performance et des résultats : Modérer l’esprit « conseiller », « gestionnaire », pour accentuer l’esprit « vendeur » la culture de la performance est fortement ancrée sur ……. (*) » Et un peu plus loin ; « Rester accroché à la méthode de vente et à la tactique commerciale, c’est une démarche gagnante pour le sociétaire, pour le téléconseiller et pour la MACIF. Aucun flottement sur le sujet, il faut rester sur la ligne et ne pas courir après le rattrapage pour faire un coup lorsqu’il y a du retard sur un indicateur. Une grille de suivis des accompagnements est mise en place et scrutée, les managers ne sont pas lâchés là-dessus. Lorsque cette activité est planifiée, la manager s’occupe de son accompagnement et il ne fait que cela. Chaque manager a un objectif de suivis ».
Ainsi, Conseil et performance ne font pas bon ménage, il faut modérer le conseil de manière à augmenter la vente. Les sociétaires apprécieront. Sur le management par le résultat et le pilotage constant et fort , nous vous renvoyons au témoignage cité par l’Express d’une prévenue dans l’affaire France télécom (des dizaines de suicides entre 2006 et 2010, 39 entre 2008 et 2009) à propos des méthodes de management de l’entreprise, elle dit notamment ceci : « …Manager par les résultats, cela parait choquant, mais c’est assez classique….France télécom est une entreprise privée, il y a donc des objectifs business, Il faut observer les managers dans leur capacité à accompagner le résultat ». Clairement, nous y sommes, certes avec 10 ans de retard sur France télécom, du moins a-t-on vu ce que cela a donné. https://www.lexpress.fr/actualite/societe/suicides-a-france-telecom-des-
managers-prets-a-priver-de-chaise-les-salaries_2080142.html
Sur les challenges, voici ce que nous lisons dans le document :
« Des challenges et des animations, 2-3 trucs à gagner ou à manger…Au début, ça coince un peu sur le côté infantilisant mais après, les équipes s’amusent réellement… »
Sous entendu : oui OK, les fraises tagada, ça craint mais impose toi et tu vas voir, ils vont adorer ! Combien de non dits et de souffrance derrière ces « jeux » qui en réalité n’en sont pas ? Ils ne sont QUE du management où les salariés restent soumis au lien de subordination et au cours desquels ils DOIVENT s’amuser même lorsqu’ils n’aiment pas ça ! (Chacun sait qui évalue, qui accorde les congés, il ne faut pas qu’on puisse être taxé de casser l’ambiance…).
Et que pense l’employeur des conditions matérielles de travail ?
« Il y a une grande recherche de proximité des RC de ces 2 pôles avec les RPA, démarche relayée en cascade jusqu’aux téléconseillers. Cette proximité génère un dynamisme d’équipe. Cette proximité est constante à ……. (*) où le plateau n’est pas à la norme des 10m² par téléconseiller…..À noter que…la norme des 10m² par téléconseiller, lorsqu’elle est appliquée, ne renforce pas le dynamisme ressenti sur le plateau »….
Ainsi, la MACIF en est là ! Elle consacre de l’énergie et de l’argent à calculer pour savoir si les salariés sont plus rentables lorsqu’elle respecte les normes ! Elle est beaucoup moins regardante semble-t-il quand il s’agit d’augmenter le président de 62,5 % !
Et l’absentéisme alors ? La Direction veut lutter contre. Voyons comment elle s’y prend :
« Tous les mois, les arrêts (de moins de 4 jours-ndlr) sont traduits auprès des RPAT en termes de communications et de ventes perdues. Lors des appels de personnes signalant leur absence maladie, la démarche consiste à
« interroger » si possible sur la nature de l’absence. « Tu as RDV quand chez le médecin ? », « Tu comptes revenir quand ? ». Si possible rencontre avec le salarié pour un réel suivi personnalisé et pour détecter d’éventuelles difficultés professionnelles. Le but est de comprendre pourquoi et de le traiter. A priori quelques cas de récupérations constatés. Creuser les arrêts maladie permet de détecter parfois les téléconseillers « usés ». Pas de retour syndical là-dessus, les syndicats sont normalement présents et plus mobilisés sur d’autres sujets dans ce pôle »
Même quand tu es malade, tu ne peux pas avoir la paix. Jusque chez toi, ils interrogent et détectent. Jusque dans ton lit, ils te managent !
La première raison, c’est que ces arrêts maladie coûtent cher. Le coût est le seul prisme par lequel l’employeur MACIF s’intéresse vraiment aux choses et les arrêts de moins de 4 jours coûtent cher du fait du délai de carence. L’absentéisme pour lui, ce ne sont pas des personnes malades, c’est un coût qu’il faut résorber. Pression, culpabilisation, tout est bon. Ensuite, gaffe tout de même au syndrome France télécom. Il ne faudrait pas qu’il prenne la fantaisie à un salarié trop en souffrance de se suicider ! Cela ferait tâche dans la vitrine ! Donc on suit le dossier….Quant à savoir ce qu’ils font des téléconseillers
« usés », mystère…… Vraiment ? Pas tant que ça, Lisez donc la suite…..
Le turn-over, vous connaissez ? Pour la MACIF, c’est un outil qui peut s’avérer très utile :
« À …..(*), L’absentéisme est fort, mais il est « culturel » au milieu d’un bassin (…) où les conditions sociales sont dures. Turn-over provoqué sur ………(*). Sur ……. (*) Peut-être serait-il souhaitable de l’augmenter un peu pour éviter le ronron…. »
Ainsi, à tel endroit, l’absentéisme n’est pas dû à des problèmes de santé mais à un mode de vie, la culture des fainéants en quelque sorte. Le turn-over est provoqué à tel endroit. À tel autre endroit, il serait peut-être bon de l’augmenter pour éviter le ronron, sous entendu, les téléconseillers s’endorment sur leurs lauriers……Oscillant entre mépris et cynisme, la méthode managériale MACIF semble détachée de toute considération sociale et humaine et absolument imperméable à toute autocritique.
À quoi servent les objectifs et les évaluations ? D’abord à vous caser par chapeaux !
« Constitution des équipes : Par « chapeaux », « meilleurs performeurs », « performances moyennes », « en difficulté », « nouveaux embauchés », « temps partiels »…. »
Et dire que la MACIF vante à l’extérieur son éthique sociale et solidaire alors qu’à la lecture de ce document, on hésite à dire, entre MACIF et MacDo, lequel des deux a copié l’autre….
(*) : Ce sont les différents lieux de travail. Il est important de souligner l’état d’esprit tout à fait méprisant dans lequel le management est pensé à la MACIF. Cet état d’esprit porte atteinte à tout le monde. Employés et managers et quel que soit le métier ou le lieu de travail.
Des managers respectés ? Vraiment ? Voici la considération à laquelle ils ont droit :
« Pour …..(*), le problème de performance est connu, et il y avait un problème d’encadrement ce qui a entraîné le renouvellement de la ligne managériale. À titre d’exemple, 80 % des temps pleins avaient choisi la compensation temps »…et un peu plus loin ; « M. X saura redresser la ligne managériale, car « c’est une main de fer dans un gant de velours »
Ainsi, si les collègues ont choisi la compensation en temps, ce n’est absolument pas à cause des conditions de travail, c’est parce que les managers sont mauvais…..Il est important de noter le réflexe de l’employeur qui consiste systématiquement à se défausser. On peut constater ici que les managers ont le dos large. Un dos qu’il faut savoir « redresser », nous sommes en pleine méthode autoritaire teintée, là encore, d’infantilisation.
Les syndicats sont aussi dans le collimateur….les documents disent ceci :
« Il est important d’intégrer le contexte social de chaque plateau. Á titre d’exemple, le départ prochain sur ….. De l’équipe après-vente, très active sur le plan syndical, devrait « soulager » l’équipe vente de ce plateau. »
Et un peu plus loin : « En conclusion, il faut laisser le temps comme l’a démontré l’expérience sur le Macitel d’Evry-tech (Seine-Essonne-ndlr) où il a fallu 2 ans pour redresser la situation d’un MACITEL où les choses étaient extrêmement tendues. Il a fallu pour cela passer par des actions fortes, licenciements, changement de managers et même changement…. »
La phrase s’arrête là. Nous avons pris le parti de ne citer aucun lieu ni aucune personne dans ce tract car le problème posé dépasse les individus. La Direction aurait tôt fait de leur faire porter le chapeau. Or, ce sont les pratiques qui sont en cause. Des pratiques managériales choisies et mises en place par une direction générale déterminée et consciente de qu’elle fait.
En revanche et s’agissant d’Evry-tech (Seine-Essonne), nous avons décidé de nommer le lieu car nous n’oublions pas que dans ce Macitel, un téléconseiller, Florian Chettab, élu CGT au CHSCT, a été licencié sous des prétextes fallacieux. On comprend bien qu’il s’agissait pour la Direction de passer par des actions fortes — comme le licenciement — pour « redresser » une situation tendue. Nous l’avions bien sûr dénoncé en son temps, nous considérons désormais en avoir la preuve.